Julianna

ou

Heureux les simples d'esprit

 

 

 

 

 

Étudiant en troisième cycle, à la recherche d'expédients, je m'apprêtais à dispenser quelques cours de guitare à de jeunes débutants. J'avais donc passé une petite annonce invitant à m'appeler pour un premier contact. C'est sa mère que j'eus un soir au téléphone. Elle m'expliqua que sa fille de dix-sept ans souhaitait apprendre la guitare et cela d'une façon plutôt classique. Je l'approuvai et lui appris que j'étais tout à fait en mesure de lui transmettre ces connaissances. Elle m'indiqua alors qu'elle devait me préciser que son cas était assez particulier, car, bien que peu visible et manifeste, sa fille était affectée d'une déficience mentale. Elle me rassura tout de suite en m'assurant que, non elle ne bavait pas, non elle ne hurlait pas en roulant des yeux, le visage défiguré, en proie à une inspiration psychotique. Mais qu'elle avait besoin de patience, d'apprentissages très structurés et progressifs car elle avait d'importantes difficultés à retenir les connaissances sur le long terme, ainsi qu'à appréhender toutes les subtilités des concepts complexes. Elle m'assura que si je savais être compréhensif et doux, et qu'elle parvenait à surmonter les premières difficultés, elle me donnerait sûrement beaucoup de satisfactions. J'acceptai de la recevoir pour un premier cours où nous ferions connaissance et après lequel nous nous déciderions l'un et l'autre de continuer ou non. Celui-ci se déroula agréablement pour chacun de nous et l'habitude fut prise qu'elle vint le jeudi après-midi de quatorze à quinze heures.

Elle sonnait, et j'allai lui ouvrir. Elle m'apparaissait alors sur le seuil de la porte, avec, sur son visage, toujours, son large sourire épanoui. Vêtue immanquablement de son unique longue veste droite bleu-marine assez chic, qui détonnait avec son allure générale en apportant un trait d'élégance dans son allure plutôt banale, elle tenait au bout de ses bras, sa guitare et sa sacoche de partitions. Je lui faisais la bise et la faisais entrer.
Elle s'asseyait sur la chaise disposée face au pupitre de musique sur lequel elle venait d'ouvrir sa partition, puis elle commençait à jouer le morceau que je lui avais donné à travailler. Je restais alors debout, près d'elle, attentif aux erreurs ou aux remarques qu'il faudrait ensuite lui signaler. Parfois, je passais derrière elle, en en faisant le tour, suivant dans son dos, le déroulement des mesures. Courbée vers l'avant, appliquée à son instrument, je découvrais, un peu amusé, dépassant du haut de son pantalon, dans le bas du dos, sa petite culotte en coton beige crème, taille haute, pas du tout sexy pour un sou. Pour le reste, pas de jean moulant, de robe ajourée ou de jupe en cuir, juste un petit bustier simplissime mauve-rosé, et de blanches chaussures plates passe-partout, toutes bêtes. Elle était, au niveau vestimentaire, l'anti-sexy parfaite et ne rehaussait que son regard d'un léger maquillage basique. Rien de racoleur dans son apparence et pourtant, il était indéniable qu'elle était extrêmement séduisante. Revenant sur son flanc, je pouvais, en plongeant mon regard dans son décolleté, admirer sa poitrine généreuse maintenue par un soutien-gorge enveloppant, plutôt classique, agrémenté de quelques rares dentelles.


- Tu dois faire attention à ne pas laisser dépasser ton pouce en haut du manche. Pivote un peu ta main vers le bas de façon à le cacher entièrement derrière ! Lui dis-je en lui tapotant le bout du doigt.
Elle me regardait avec ses grands yeux heureux, son sourire entier et sans soucis.
- Mais c'est dur ! Répondit-elle en riant à moitié.
Elle avait de très jolis yeux bleus, faits de dégradés, de contrastes, d'irisations étonnantes et harmonieuses. Le reste de son visage, quoi que joli, était plus banal. Sa chevelure manquait de volume, mais ses yeux extraordinaires et son sourire simple étaient ce qui charmait dans le premier instant où on l'approchait et ne laissait pas de charmer au fil du temps. Elle sentait un parfum printanier délicieusement bon dont on avait envie de s'imprégner davantage en embrassant sa peau d'un mat délicat. Une peau douce, lisse et uniforme, comme une porcelaine d'ambre colorée.
- Je crois que je n'y arriverai pas. Je me trompe tout le temps...
Sa voix était attachante aussi, faite d'un accent tout à fait personnel, un peu guttural, qui venait de nulle part, mais chaud et intime. Ses attitudes, ses manières un peu désinvoltes de s'asseoir, par exemple, le buste légèrement déhanché en arrière, une jambe négligemment jetée vers l'avant, dans une pose familière et décontractée, ne laissaient rien transparaître de sa particularité, de ses lacunes, de son invalidante fragilité nullement flagrante au premier abord. Elle semblait, à première vue, semblable à la plupart de ces adolescentes qui ont entre quinze et dix-huit ans et se donnent un genre nonchalant manquant singulièrement d'élégance pour avoir l'air plus à l'aise. On ne se rendait pas du tout compte, dans les premiers temps, en discutant avec elle de sujets banals du quotidien, qu'elle était affligée de faiblesses intellectuelles profondes et marquées, dans le domaine de l'abstrait et du raisonnement. Mais si on poussait plus loin la conversation et qu'on s'aventurait sur des sujets précis et nécessitant, ne serait-ce qu'un très simple raisonnement mathématique à la portée d'un enfant de sept ans, alors on s'apercevait que ses facultés de compréhension faisaient cruellement défaut et que ses possibilités étaient nettement limitées. Peut-être à cause de cela, était-elle attachante. Ce qu'elle avait en réalité, je ne le sus jamais. Quelle étiquette lui avaient collé les psychiatres, dans quelle case l'avaient-ils rangée si tant est qu'ils l'avaient pu ? Je ne le sus. Pour mon compte, je pensais que, par hasard, la combinatoire néonatale avait buggé au moment de l'élaboration de son cerveau et que le montage s'était effectué de travers, avec des erreurs, des inversions, des omissions, comme lorsqu'on montait un meuble en kit en n'étant pas très rigoureux... Le résultat final donnait un assemblage de guingois. Et pour elle, c'était pareil, mais non dans son aspect extérieur; rien physiquement ne laissant deviner la moindre anomalie, si ce n'était peut-être, par moments, comme une espèce de vacuité dans son regard, par ailleurs si troublant, donnant l'impression d'une transparence limpide, comme les fonds affleurants des lagons, qui révèlent, sans aucune ombre, leur surface marine dans tous ses détails. Mais elle n'était pas bête, de cette bêtise ordinaire si courante et désespérante, à laquelle on a à faire quotidiennement dans nos rapports avec les autres, cette bêtise faite d'une étroitesse d'esprit particulièrement aigüe, de préjugés, de mesquinerie égocentrique. Loin de là... Non, elle n'était affligée que d'une déficience mentale qui n'affectait, à priori, que les fonctions cognitives supérieures comme son raisonnement logique entre autres. Ce qui l'empêchait de résoudre un problème mathématique simple ou d'appliquer sur le long terme, les règles d'orthographe élémentaires. Par contre, elle savait lire couramment. La compréhension d'un texte court ne lui posait pas de problèmes, mais il fallait que celui-ci demeurât très terre à terre. En moi-même, je la trouvais plus intéressante à côtoyer que beaucoup d'autres personnes considérées comme normales, car elle avait, par exemple, une analyse juste et très pertinente des relations humaines. Elle possédait beaucoup de bon sens ainsi qu'une personnalité ouverte et d'humeur gaie.
- Mais si tu y arriveras.
Je l'aidais à positionner les doigts sur les cases du manche de la guitare en essayant de lui communiquer une certaine souplesse dans la main. Et je ne pouvais m'empêcher en même temps, de frôler, en appuis un peu longs de ma paume ou de la tranche de ma main, des parties de la sienne ou de laisser traîner mes doigts en un contact subtil, comme des caresses amicales un peu trop rapides pour être vraiment flagrantes...
- Ne crispe pas tes doigts, n'appuie pas trop fort, juste suffisamment pour libérer la note.
Elle ne perdait pas son sourire, au contraire, elle avait l'air d'apprécier notre proximité. Peut-être même exagérait-elle sa gaucherie pour sentir le contact de ma main. A ce moment là, elle me semblait très facilement accessible. Sûrement en raison de la confiance entière qu'elle paraissait me témoigner. Et je ne pouvais m'empêcher de penser que, s'il manquait des liaisons entre certains de ses neurones, ses réseaux affectifs, nerveux et hormonaux avaient tout l'air d'être en parfait état de fonctionnement. Elle me regardait, avec ses yeux gourmands et son léger sourire conquis, plus intéressée, semblait-il, par nos échanges infra-verbaux qu'à la recherche de la bonne position instrumentale. J'étais sûr qu'elle en avait envie. J'étais sûr qu'elle en MOURAIT d'envie. Elle devait avoir la chatte qui commençait à mouiller irrépressiblement. J'en étais quasi sûr en la voyant en proie à des ondulations imperceptibles, mais certaines, de son bas-ventre. Lors d'une de ses venues précédente, il s'était dégagé d'elle, dès son entrée dans mon studio, de fortes et très nettes fragrances sexuelles. Sur le coup, j'avais été troublé par cette odeur qu'elle exhalait sans tout de suite parvenir à déterminer son origine, puis je fus traversé d'une évidence : elle venait sûrement de se branler quelques temps avant. Et, dans son immense candeur, elle n'avait même pas pris la peine de se laver les mains qui, à présent, remplissaient l'air d'effluves torrides et sans équivoque au moindre de ses mouvements. Je me dis qu'elle devait rêver d'une relation charnelle, elle qui, dans son institution au règlement strict et rigide interdisant les contacts mixtes, était brisée dans ses élans affectifs et sensuels vers la gent masculine. Et moi, seul avec elle, si proche physiquement, je devinais que j'avais sûrement la chance unique de focaliser sur ma personne, tout son désir et ses fantasmes. Elle ne devait attendre que ça. Si je posais et avançais un peu la main sur sa jambe, elle allait sûrement se caler doucement contre le dossier, écartant inexorablement les cuisses en basculant la tête en arrière, dans un demi sourire de contentement, prélude à celui, certain, du ravissement proche. Sa chatte n'attendait que ça, qu'on lui glisse un doigt entre les lèvres.
Elle retira sa main du manche de la guitare et la posa ouverte sur sa cuisse.
- Je n'y arriverai jamais...
J'avançai ma main vers la sienne et lui caressai les doigts et la paume comme une tentative de réconfort.
- Ça n'est pas bien grave, tu réessayeras la prochaine fois, et là tu y parviendras. Pour l'instant, si tu veux, je vais te montrer autre chose qui ne devrait pas te causer de difficultés.
Elle souriait toujours et me laissait sa main qui répondait par de douces pressions à la découverte progressive de notre familiarité.
- J'ai envie de t'embrasser, fis-je.
Elle fit oui amplement, de la tête, son sourire charnu ne la quittant pas.
J'avais gagné, je ne m'étais pas trompé. Cette petite poupée, tendre et délicate, fragile et sans calcul, était un cadeau inestimable que j'appréciai à sa juste valeur. Je m'avançai, me penchai sur elle et commençai à prendre ses lèvres. Elle était entièrement dans l'instinct car je devinai que même rien qu'embrasser, elle ne l'avait jamais fait, alors qu'elle fut tout de suite à l'aise. J'avais tout à lui apprendre et j'allais tout lui apprendre, en moins d'une heure, durée convenue du cours de guitare...
Rien ne manquait dans son câblage intérieur de ce côté là. Elle était étonnamment épidermique et comme je l'avais prévu, ses cuisses se sont très vite ouvertes. Son parfum m'envahit tout de suite franchement et c'était déjà comme de la traverser de part en part, comme de m'y fondre et m'y dissoudre avant même de l'avoir pénétrée. Sa peau était douce et ses yeux magnifiques. J'avançai une main vers son entre-cuisses et lui caressai à travers la toile de son pantalon, l'intérieur des cuisses à la naissance de la chatte. Cela lui plaisait car je la sentais s'abandonner de plus en plus. Je dégrafai alors le bouton de son pantalon et descendit la fermeture éclair. Elle émit une plainte de bien-être et releva les fesses pour que je puisse atteindre plus facilement sa culotte. J'introduisis facilement ma main à l'intérieur de celle-ci qui, en plus d'être haute, était un peu lâche; et descendit vers sa chatte. J'en avais carrément rien à foutre de sa culotte si peu glamour car elle n'avait vraiment pas besoin d'artifices. Son odeur un peu musquée, sa fébrilité, l'élasticité de sa peau et sa jeunesse valaient bien toutes les lingeries les plus sophistiquées du monde, tous les bijoux, toutes les épilations, tous les brushings. Elle explosait littéralement de clarté, de vie, de brutale joie animale. Hum... que ce fut bon de faire rouler sous mes doigts, les lèvres chaudes et humides de son sexe, de glisser, à l'entrée lubrifiée de ce petit paradis accueillant, mon majeur chanceux, en un doux va-et-vient. Elle était un vrai petit animal abandonné entièrement à ses instincts, sans malice, sans pudeur, sans retenue, plus véritablement femme qu'aucune autre, une sorte d'Eve au sortir de la création. Qu'elle était belle et rayonnante mon élève un peu simplette et parfaitement naïve ! Il y avait longtemps que j'avais oublié les idées toutes faites sur les personnes mentalement déficientes. Je la considérais de la même façon que j'aurais considéré une manchote, une unijambiste ou une aveugle, c'est à dire, comme quelqu'un affecté d'un handicap, mais fondamentalement pareil à moi.
Je passai les mains dans son dos et dégrafai son soutien-gorge qui révéla, dans toute sa pesanteur, sa poitrine ample et déjà mature. Elle resplendissait de sexualité pure, s'abandonnant à la douce joie de s'exhiber en toute indécence.
- Tu es très belle Julianna. Tes seins sont tentants comme des fruits mûrs. Et je vais les goûter si tu veux bien, fis-je.
- Oui, vas-y, répondit-elle dans une plainte impatiente.
Je les parcourus des lèvres, promenant ma langue sur leur mamelon, encerclant leur pointe de mouvements lents et doux.
- Je vais retirer ton pantalon maintenant, d'accord ? Lui dis-je.
- Oui, fit-elle simplement.
Elle se souleva sur les coudes et je fis glisser son pantalon de toile qui lui tomba aux chevilles. Les renflements de sa fente, moulée sous le coton, étaient une invitation à étancher une soif d'odeurs intimes et délicieusement humides. Je décollai l'élastique de sa culotte et dévoilai sa chatte lovée dans sa toison pubienne. Julianna était toujours aussi sereine et m'admirait en train de l'effeuiller. Je commençai à embrasser le creux de sa cuisse en remontant progressivement jusqu'à la jointure. Au fur et à mesure, ses traits se détendaient pour littéralement s'épanouir tout à fait quand je plongeai mes lèvres au fond de sa fente. Son odeur et son goût étaient puissants et violents. Ils m'excitaient à un point tel que je me sentais parcouru d'ondes nerveuses, impétueuses et crépitantes.
Quand je l'eus bien léchée jusqu'à la rendre toute luisante, je me redressai près d'elle et retirai mon jean tandis qu'elle m'observait, attentive, les cuisses baillant largement. Ma bite déformait mon caleçon d'une façon provocante tandis que je me rapprochais d'elle. Elle plaqua alors sa main droite entre mes jambes comme on met la main sur un trésor puis elle descendit mon caleçon, et ma bite en jaillit comme un diable d'une boîte. Ses yeux brillaient de surexcitation et elle attrapa tout mon paquet sans aucune hésitation. Elle savait très bien ce qu'elle voulait en faire... Elle me lécha d'abord la queue de bas en haut, à plusieurs reprises, puis elle enfouit mon gland à l'intérieur de sa bouche en resserrant ses lèvres autour de la hampe pour sucer bien étroitement. Je ne croyais pas qu'elle l'eût déjà fait mais, à voir son engouement, elle l'avait sûrement répété des dizaines de fois en imagination ! C'était délicieux et il n'y avait rien à redire sur sa manière de s'y prendre. Elle redescendit et commença à me lécher les couilles avec lenteur et application. Elle s'y entendait à merveille et je m'offris sans réserve quand elle entreprit quelques instants plus tard, de me les gober. C'était chaud, doux, terriblement intime, et pour ma part, preuve d'une grande confiance en ses compétences que d'abandonner à sa délicatesse, mes bijoux sensibles et fragiles.
- Tu as déjà fait l'amour ? La questionnai-je.
Elle fit non de la tête.
- Tu veux qu'on fasse l'amour ?
Elle fit oui de la tête, absolument confiante.. Je l'étendis sur la banquette qui était dans la pièce et elle se retrouva allongée, la chatte offerte, toujours bien ouverte. Elle s'empara à nouveau de ma bite et la guida en elle tout en m'attirant par les reins. Elle souriait amplement et bascula la tête au même rythme que j'entrai en elle. « OOOOooooooh... », fit-elle. J'émis la même plainte qu'elle, conscient d'être au matin du monde, accueilli dans le vagin tiède et pur de la première femme du monde. Son regard se fit transparent et vide comme celui d'une noyée tandis que sortaient de sa gorge, à travers ses dents blanches, de légers halètements syncopés. Ses yeux firent à nouveau le point sur moi et j'y admirai mon reflet dans leur beauté géométrique et colorée. A chaque battement, je disparaissais entièrement au fond de sa chatte écartelée de fougue partagée. Je faisais l'amour à mon Eve, au seuil du Paradis. Mais, au contraire de l'histoire légendaire, son innocence perdue ne nous fit pas chasser de celui-ci. Au contraire, nous y demeurâmes même après avoir recouvré nos esprits. Quand je me fus retiré, elle amena doucement sa main contre sa chatte, pour tenter de retenir mon sperme nacré qui s'écoulait entre ses doigts.

- Dis, on recommencera ? Dis !
- Tu ne dois répéter à personne ce qu'on a fait, sinon, on nous séparera. Tu ne pourras plus venir, tes parents ne te laisseront plus revenir chez moi. Car je suis majeur et toi non. Parce que j'ai quelques années de plus que toi et que nous n'avons pas le droit d'être ensemble pour faire ce qu'on a fait...
- Mais j'aime faire ce qu'on a fait, moi !
- On ne te demandera pas ton avis. Personne ne te le demandera. Et si tu le donnes quand même, personne ne n'écoutera parce que tu es une personne handicapée...
- Je veux revenir. Je veux pouvoir te revoir. Toujours. Je veux qu'on refasse l'amour. C'est tellement bon !
Elle réfléchit un moment, dans sa tête un peu creuse, puis elle dit :
- Je vais travailler ma guitare. Je vais bien apprendre les morceaux que tu me donnes. Je vais faire des progrès et comme ça, je continuerai à venir chez toi, toutes les semaines. Et on fera l'amour à chaque fois, hein ? Dis !
Je la regardai avec tendresse, silencieux. Son joli sourire, pour la première fois, tendait à se dissiper.
- Oui, d'accord. Tu essayes de progresser, tu fais tout ce que tu peux pour que tes parents voient que tu ne viens pas ici pour rien, qu'ils ne te payent pas des cours de guitare pour aucun résultat. Et ça devrait marcher. Tu crois que tu y arriveras ?
- Oui, je vais faire des efforts, je vais être moins paresseuse...

De fait, elle fit des progrès rapides et assez considérables. Elle continuait d'avoir beaucoup de mal avec le solfège, avec la reconnaissance des notes ainsi qu'avec l'analyse du rythme. Mais elle possédait une mémoire des doigts assez étonnante qui faisait qu'elle fut vite capable de jouer des morceaux assez ardus sans suivre la partition, rien que de mémoire, mais la mémoire des gestes, la mémoire du corps. Je crois que nos ébats réguliers dans lesquels elle excellait, participaient au développement formidable de ses capacités dans le domaine psychomoteur. C'était comme si ses difficultés à mémoriser intellectuellement les choses, étaient compensées par une virtuosité très fine dans ce domaine ainsi que dans les sensations qui en dérivaient.
J'étais bien près d'elle, en toute sécurité et toute confiance. C'est vrai qu'on ne pouvait aborder des sujets philosophiques ou réclamant une analyse intellectuelle poussée, mais il était reposant de goûter à la douce quiétude de se laisser vivre dans la chaleur d'un amour simple et authentique.

A un moment, elle finit par prendre son envol toute seule, en intégrant un groupe de musiciens d'influence sud-américaine où elle fut vite à l'honneur. Sa virtuosité ne fit qu'amplifier, et je peux révéler qu'aujourd'hui elle est mondialement connue et reconnue. Au moment où la notoriété s'installa, les musiciens qui l'accompagnaient prirent tous soin d'elle en la protégeant des foules et des fans parfois un peu trop envahissants. A part ses familiers et son cercle professionnel proche, personne ne sut ni ne sait encore, son secret intime, qui fait que ses potentialités furent, et sont toujours diminuées par rapport à ce qu'elles auraient pu être. Elle apparut donc, et demeure aux yeux du public, par sa grande discrétion et sa réserve rare, comme une personnalité résolument énigmatique et unique dans le paysage musical français. Ce qui participa, sûrement, j'en suis persuadé, à sa légende et à son succès qui ne cessent de s'étendre.

Sa rencontre remonte à quelques années maintenant, mais je peux confier qu'elle vient toujours chez moi régulièrement, sans plus avoir à présent à se justifier auprès de quiconque, entretenir sa dextérité et son jeu musical...

 

© Rouvière, 2011

 

Antoine Rouvière

 

 

 

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